Entretien avec Hélène Jouve,

professeure de Stretching Postural chez Qee depuis près de 5 ans, mené par Ixchel Delaporte.

 

  • Le Stretching Postural®  est une discipline peu connue. Quelle pratique se cache derrière ce terme technique ?

Hélène Jouve. Si on décompose les deux termes, on trouve ce qui se cache sous ce nom. On travaille les muscles profonds, appelés muscles posturaux, (principalement ceux du dos) tout en étirant, « stretchant » les muscles plus superficiels. Ces derniers sont souvent trop tendus, sur-sollicités en raison d’une musculature posturale défaillante. Et ils donnent alors beaucoup de raideurs, de tensions, voire même de douleurs. Parfois on raccourcit en parlant du Stretching Postural® comme d’une gymnastique du dos. Effectivement, on travaille principalement les muscles du dos,  pour le rendre fort, mais pas de manière monolithique. Le but serait plutôt de tendre vers un dos capable de remplir sa fonction, d’être érigé en étant soumis à la pesanteur et capable de se mouvoir avec une économie de moyens, sans mettre de la force là où il n’y en a pas besoin, donc un dos musclé et souple à la fois. En revanche, ce que ne dit pas l’appellation Stretching Postural®, c’est que cette discipline apporte également un profond bien-être tant physique que psychique grâce à tout le travail qui est mené sur la respiration. Celle-ci est vraiment un élément-clé, qui structure tout le travail que nous menons.

 

  • Cela signifie réapprendre à se tenir droit naturellement ?

Hélène Jouve. Oui en quelque sorte. En Stretching Postural®, on régule la musculature tonique profonde pour qu’elle joue son rôle de soutien, correctement placé, sans avoir besoin d’y penser. C’est une restructuration de l’ensemble du corps dans la manière de se tenir et de se mouvoir. Cela veut dire qu’au fil du temps, avec cette pratique, on finit par se défaire des tensions et des douleurs. C’est d’ailleurs souvent sur les conseils d’un kiné ou d’un ostéopathe, à cause de pathologies telles que des lombalgies, cervicalgies, sciatiques ou autres noms en « gie », que les personnes viennent au cours de Stretching Postural®. Au fil de la pratique , on élimine nombre de douleurs. Au delà des douleurs, une transformation globale du corps et de la posture s’opère pour donner une sensation de libération.

 

  • En quoi le Stretching Postural® se différencie-t-il d’autres types de gymnastique ?

Hélène Jouve. La musculature posturale est difficile à sentir. On se meut avec une autre type de musculature en surface, qui est celle qu’on travaille à la gym. C’est celle qui va dessiner le corps et qui sera visible, davantage esthétique. A l’inverse, la musculature posturale est inconsciente. Elle précède le mouvement. Plus on va la renforcer, plus on apprendra à se placer correctement, par exemple face à son bureau, ou lorsqu’on attend le métro. Peu à peu des habitudes posturales se gravent dans le cerveau et c’est ce qui rend la pratique très gratifiante et plaisante parce-qu’en quelque sorte on change de posture sans effort conscient. Durant les séances, vu de l’extérieur, le travail peut sembler un peu simple. En réalité, la pratique est au contraire très intense, mobilise toutes les ressources de l’être, autant physiques que mentales, mais toujours dans la douceur et le respect de soi. C’est d’ailleurs ce qui rend le Stretching Postural® si riche !

 

  • La pratique est-elle donc difficile physiquement ?

Hélène Jouve. Elle peut le sembler au début. On passe par l’étape difficile où on ne parvient pas à faire telle ou telle posture ou alors cela demandera une immense concentration. Chacun va à son rythme. Il n’y a pas de performance. La technique porte en elle une une forme de quête philosophique de soi-même. On apprend à se découvrir, à se connaître et à respecter son rythme, à accepter des surprises. Par exemple, il arrive que certains viennent parce qu’ils se trouvent trop voûtés et puis finalement, ils vont d’abord sentir une meilleure respiration, plus de solidité dans les jambes, avant même de voir leur dos changer de posture.

 

  • Concrètement, quand vous enseignez, que dites-vous à vos élèves ?

Hélève Jouve. Je les invite à découvrir qu’il faut être dans l’intention de faire plutôt que dans le faire par la volonté. Par exemple, on va faire une posture qui nécessite un appui. On est debout, placé en verticalité, en mettant les bras dans le prolongement du tronc à 90 °. Et on va se placer dans la situation où nos mains seraient appuyées sur un mur. Et on va utiliser cette image pour s’auto-grandir, pour s’allonger, pour passer d’une position un peu tassée à une position érigée. La plupart du temps, les gens essaient de tirer sur la tête pour se grandir. Et on a alors l’impression que voilà la posture est faite. Alors que non, pas du tout ! En postural, on sait qu’il va se passer quelque chose mais avant cela, il va falloir imaginer ce mur, mettre une direction de force. Si je veux m’ériger, il faudra que ma direction de force s’oriente vers le sol. Je vais créer une impulsion électrique dans mes mains qui va transmettre des informations au système nerveux qui lui-même va donner des informations à tous les groupes musculaires profonds qui seront sollicités. Ça va se déployer au fil des secondes, porté par la respiration, et cela mobilisera tout le corps dans un travail de ressentis riches et intenses.

 

  • Que se passe-t-il quand la posture porte ses fruits ?

Hélène Jouve. Au début, on a l’impression qu’il y a une deuxième personne à l’intérieur de soi parce qu’on sent une force nouvelle, enveloppante. Cela ne peut se révéler que si on est dans la douceur et l’intention. C’est à l’opposé de l’efficace et du rapide. Lorsqu’on fait une posture, on ne sait pas ce qu’on va découvrir. Il faut donc être prêt à accueillir des sensations étranges et parfois désagréables, là où le corps crie souffrance. Ça met en exergue des parties de soi inexplorées. Peu à peu, le corps s’ouvre, s’épanouit et la personne a la sensation d’être habitée pleinement, maître de soi dans la bienveillance.

 

  • Est-ce une discipline où l’on peut progresser ?

Hélène Jouve. La technique du Stretching Postural® est celle de l’apprentissage, de l’écoute du corps et du ressenti profond qu’il nous renvoie. Une posture se construit sur ces éléments-là. Sentir qu’on est centré, et qu’en mettant le moins de force possible, il y a des parties du corps qui vont générer des étirements, d’autres des contractions, le tout formant une structure peu à peu cohérente. L’essence du travail est d’apprendre à reconnaître les informations que nous renvoie notre corps. On devient alors de plus en plus attentif à ce qui se passe en soi. Donc ce processus est sans cesse en évolution, du premier au 100ème cours !
Par ailleurs, plus notre pratique avance, plus on est à même de comprendre notre fonctionnement corporel, nos stratégies de compensations, nos facilités dont on abuse, nos difficultés que l’on contourne pour ne pas les affronter. Toute une série de mécanismes que l’on s’approprie consciemment pour peu à peu se transformer. Et c’est vraiment là un des aspects passionnant du Stretching Postural®.

 

  • Beaucoup de personnes passent des heures assises devant un bureau. Le Stretching Postural® est-il une réponse à ces postures anti-naturelles ?

Hélène Jouve. Le Stretching Postural® nous apprend à écouter notre corps. La pratique ne se déroule quasiment que dans la statique. On prend une forme dans l’espace qui va générer progressivement des mouvements internes, faits des contractions et d’étirements. On développe ainsi notre attention à tout se qui se passe en nous. Et donc, transposé au quotidien, on est en mesure non seulement d’adopter des positions correctes, mais aussi de ressentir instinctivement lorsqu’elles ne le sont pas. Donc on s’assied mieux, on marche mieux et nos gestes sont davantage efficaces. 

 

  • A qui s’adresse le Stretching Postural® ?

Hélène Jouve. Le Stretching Postural® s’adresse à tous ! (sauf bien sûr avis contraire médical).