Les premières phrases de certains livres nous ouvrent déjà un monde : du célèbrissime « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » inaugurant la monumentale Recherche du temps perdu, à « J’avais une ferme en Afrique, au pied des collines du Ngong » (« La ferme africaine » – Karen Blixen) qui fait écho à la première phrase de « La gloire de mon père » de Pagnol : « Je suis né dans la ville d’Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers ». Au temps des derniers chevriers… Si ces phrases nous touchent, c’est par leur évocation d’un « avant » qui n’est plus, Paradis perdu que nous n’avons pas forcément connu mais dont nous avons tous, ou presque, une forme de nostalgie. Nostalgie d’un temps plutôt que d’un lieu, de l’innocence, d’avant les désillusions.

Dans le vaste domaine du « développement personnel », notre société dévoreuse d’intériorité et de silence, massacreuse de la planète, obsédée par la vitesse, le rendement et la rationalité a fait naitre en nous une vague de nostalgie des cultures traditionnelles, des Peuples Premiers, d’un « Avant » où les hommes étaient reliés à la terre, à l’invisible, aux savoirs transmis par les anciens, et qui ravive en nous une ancienne connivence avec une harmonie originelle. Nous avons soif de ces cultures du sensible, du sacré, quelque soit le sens que chacun met dans ce terme, du mystère, des signes, dans lesquelles s’estompent les limites entre l’humain et la terre, l’homme et l’animal, le connu et l’inconnu, et dans lesquelles tout se tient dans l’unité de la vie. Le développement personnel fait fleurir sur notre désenchantement toutes sortes de propositions, pratiques ou rituels, au sein d’un étrange syncrétisme qui mêle Bouddhisme et cercles de sorcières, Féminin sacré et chamanisme « intégratif », « Énergie Tao » et jeûnes de Pleine lune, « Âmes du tambour » et bols tibétains, danse de la pluie et séances Temazcal, conseils en tous genres pour « remplacer nos pensées négatives par des pensées positives », réparer nos blessures d’enfance et nos burn-outs à répétition. Si l’on peut ironiser sur ce brouillage des spiritualités – et des pistes, « sortir de sa zone de confort » mais « accepter ses limites », exprimer sa colère et l’accepter etc … sur les week-ends de flûtes indiennes dans les bois entre femmes couronnées de fleurs, sur les stages pour se « reconnecter à sa puissance », ou à son cœur, ou à son corps de femme, on aurait tort de n’y voir que du folklore. S’il y a dans cette offre pléthorique, une part de ridicule et des appropriations culturelles improbables, il y a aussi un désir sincère de répondre au malaise d’une société épuisée par ses propres dérives, à l’étouffement de la pensée, à notre recherche de sens, à notre errance existentielle. Une quête sincère d’explorer « autre chose », de sortir des normes et de nos repères familiers, de partager nos blessures, d’exposer nos vulnérabilités. De faire Ensemble. Et dans cette multiplicité d’expériences, entre un stage de bénédiction de l’utérus et un autre pour trouver son animal Totem, même si ce n’est qu’une porte qui s’ouvre sur un monde différent du nôtre, il se peut que cela nous fasse réellement du bien.

Cet article a été rédigé par Marie-Paule Faure, enseignante en méditation en visio. Marie Paule propose par ailleurs des atelier chez Qee Paris 9ème.

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